Puisses-tu te régaler de larves délicieuses dans un bassin chaud tout en haut de ta montagne sacrée.

 

Je vais vous conter l'histoire d'une grenouille.

Comme toutes les grenouilles, elle est née têtard. 
Ce petit têtard n'était pas comme les autres.
Un collège de crapauds l'avait dit à ses parents: Ce têtard ne deviendra jamais un batracien, quelque chose s'est passé dans le bassin qui l'en empêchera. On ne l'explique pas très bien mais des fois ça arrive. C'est la loi de la nature. 
Des paroles difficiles à entendre et à accepter pour des parents heureux d'agrandir leur famille de grenouilles.

Mais contre toute attente, ce petit têtard était très combatif et il était bien décidé à devenir un petit batracien, quoique les crapauds en disent.
Et il est devenu batracien. Mais pas comme les autres.
Il lui manquait des ventouses au bout des pattes avant et arrières. Il ne parvenait pas à ouvrir ses paupières, il ne parvenait pas à bien respirer, à s'alimenter dans son bassin et il n'avait pas développé d'appareil reproducteur. 
Les crapauds le savaient. Il éprouverait toutes ces difficultés à l'extérieur du bassin également en dix fois pire. S'il parvenait à sortir du bassin un jour.

Les parents de ce batracien ne savaient pas encore s'il serait un petit mâle ou une petite femelle. Et vu la tournure des événements, ils préféraient ne pas le savoir finalement, c'était déjà suffisamment douloureux.

Mais les vilains crapauds ont gaffé et annoncé que ce batracien aurait pu devenir un triton. 

Il aurait pu oui.
Mais il ne l'est pas devenu.

Ce triton s'est battu des mois durant mais sa volonté hors du commun n'a pas suffit et il est parti rejoindre ses compères au Mont Myôboku, une montagne sacrée où résident des grenouilles au destin tragique ou aux pouvoirs extraordinaires.

Elle est triste cette histoire.
Ses parents ne s'en sont jamais remis. Et ses grandes sœurs grenouilles n'ont jamais eu la chance de le connaître autrement que sous sa forme de triton. 

Ce joli petit triton souffrait d'une forme rare de handicap très bien connu. Ce handicap porte le nom de Syndrome d'Edwards communément appelée trisomie 18.
Vous connaissez des trisomiques 18 ? Non, car ces grenouilles là sont condamnées, inexorablement.

Cette grenouille s'appelait Simon. Il était mon fils.
Il est gravé sur ma peau, près de mon cœur pour l'éternité. Car je suis sa maman et je l'aime. 

Pourquoi une grenouille ? Car il ressemblait à une petite grenouille tout simplement.

Une magnifique grenouille à princesses.